On retrouve DAWAL un matin de la semaine, dans le XVIIIe à Paris, au Shakirail. Petit passage discret dissimulé par un long mur recouvert par notre hôte, où des bâtiments regroupent des ateliers d’artistes. Après la visite du lieu, un café au fond de la tasse, et on s’assoit dans la petite cour avec vue sur la voir ferrée qui s’échappe vers le nord de la France.
Son actualité, c’est la toile en cours sur son chevalet et une récente exposition en mars à la galerie Artistik Rezo à Paris. Enfantillages, ce sont des peintures, des dessins et des sculptures. Son petit monde, née d’une imagination fertile, de curiosité et d’un bagage scolaire rigoureux, DAWAL a choisi de le partager à travers des images. Un choix qui s’est imposé par passion.
L’atelier (dans le XVIIIe)
« J’ai un atelier au Shakirail depuis octobre 2023. J’ai répondu à un appel à résidence pour travailler sur mon exposition Enfantillages pour la galerie Artistik Rezo à Paris en mars 2024, et j’ai eu l’opportunité de rester. C’est en open-space, on est huit dans une grande pièce, et on est rarement là tous en même temps donc c’est calme (…)
Quand je peins, je ne suis pas gêné de le faire devant des gens, je suis habitué à faire des fresques dans la rue, donc à être confronté aux regards des autres. Au contraire je trouve ça sympa d’échanger avec d’autres artistes, et puis si j’ai envie d’être dans ma bulle c’est aussi possible, je mets mon casque et j’écoute de la musique. »
La rue (et ses murs), les études, les potes
« J’ai commencé à peindre dans la rue à 18/19 ans, pour déconner la nuit avec des potes. J’ai fait quelques lettrages et je suis très vite passé aux personnages car ça me parlait plus. Je n’ai pas fait partie d’un crew à proprement parler, c’était juste pour s’amuser, pour mettre un peu de piment.
C’est un peu via le hip-hop que j’en suis venu à l’art urbain, on faisait des instrus, du rap, le graffiti faisait partie de cette culture. C’est à partir de tout ça que j’ai commencé à peindre sur les murs avec mon bagage de gribouilleur de carnets. J’allais en cours et tout mon temps libre je le passais à faire des instrus ou à dessiner, c’était dévorant. Dans l’équipe rares sont ceux qui ont continué dans cette voie. »
l’ingénieur, le diplôme, les questions
« J’ai un diplôme d’ingénieur, je suis allé au bout car j’étais lancé avec des potes et une bonne ambiance donc c’était motivant. Mais il y a eu des remises en question car j’avais du mal à m’imaginer dans ce monde-là. J’ai hésité ensuite à faire des études d’art car c’est quelque chose qui me tenait à cœur. Mais finalement je me suis dit que l’on n’était jamais mieux servi que par soi-même, donc je me suis mis à fond dans le dessin. »
changement de vie, la vie d’artiste, les décisions
« Je n’ai pas baigné dans le milieu artistique via mes études, donc à cette période personne dans mon entourage ne vivait de sa passion. À partir du moment où j’ai rencontré d’autres artistes, ça m’a donné confiance ; d’ailleurs Yoldie est l’une des premières que j’ai rencontrée (…)
Personne ne m’a poussé dans cette voie, j’avais la tête remplie de clichés sur le métier d’artiste, j’imaginais vraiment des conditions difficiles. Au fil de mes rencontres, j’ai réalisé que c’était à la portée de n’importe qui avec un peu de détermination. Je me suis motivé à faire une expo à Paris pour montrer mon travail et rassembler des gens, c’était une première étape importante, et ça a débloqué quelque chose en moi, ça m’a donné de la motivation pour la suite (…)
J’ai quand même travaillé un moment en freelance, en même temps je peignais et dessinais. Ça a duré environ un an et demi et une fois la machine mise en route, les revenus artistiques ont pris le pas sur le reste. »
L’inspiration, la création, la liberté
« GREMS, dans mes années hip-hop, ça a été une source d’inspiration pour le côté énergie créative : rappeur, graffeur, designer, il expose, bosse avec des marques… Il m’a beaucoup inspiré dans le sens de la liberté artistique, de ne pas forcément se limiter à un domaine. J’aime le fait qu’il évolue tout le temps en gardant son style (…)
Je me lasse énormément de ce que je fais, c’est un peu la malédiction de l’éternel insatisfait. Quand je commence une toile, les premiers jours je suis au top de la motivation, et au bout de quelques jours je m’en lasse. Par contre, quand je retombe sur une toile qui était cachée depuis quelques mois, je la redécouvre et je l’apprécie à nouveau. Peut-être qu’il faudrait que je trouve une technique pour conjurer ce mauvais sort !
Quand je fais un mur, c’est très différent, le processus créatif est plus rapide et en quelques jours tu obtiens une grande fresque. Le mur, tu le découvres aussi en photo, tu le vois en entier. C’est toujours un peu différent en photo, je ne sais pas vraiment pourquoi… »
styles, fantaisies & onirismes
« Peut-être que mes études longues et difficiles m’ont apporté le côté rigueur et travail. Par rapport à l’onirisme, et le côté surréalisme, il y a peut-être le rejet de tout ce monde-là, de la conformité et de la routine (…)
J’ai été marqué par la découverte du surréalisme quand j’avais 17/18 ans : Magritte, Dali… Et j’étais aussi sur Tumblr, tu te souviens ? Je faisais ça avec un pote, des collages et des montages sur Photoshop, un peu barrés et surréalistes… Enfant, je lisais beaucoup de bandes dessinées, j’étais vraiment inspiré par les genres fantaisie et science-fiction, celles qui t’emmènent dans une autre réalité. C’est toujours le cas quand je mate un film d’ailleurs. Je suis allé voir le nouveau Dune récemment, j’ai pris des effets spéciaux dans la tronche pendant trois heures, c’était génial ! (Sourire.) »
l’art brut, détails, bancals
« L’art brut m’inspire un peu, c’est quelque chose que j’ai découvert il y a quelques années. Ça m’arrive d’aller voir les expos à la Halle Saint-Pierre à Montmartre, et je peux prendre des claques. Il y a des trucs que je déteste et d’autres que j’adore qui sont tellement inspirants, des petites sculptures par exemple.
Ça me touche, même si je ne suis pas plus que ça dedans. Mais j’admire l’approche spontanée de ces artistes, le côté imparfait des choses (…) »
Enfantillages, exposition et soldats de plomb
« Cette exposition était autour du thème de l’enfance et des jeux d’enfants. En plus des toiles, j’ai commencé une série de dessins dans le délire soldats de plomb. Des personnages avec pleins de détails, j’adore en inventer. Et on a eu l’idée de collaborer avec ma copine Fayalu pour faire sortir de terre ces personnages en argile. Elle est artiste, elle fait des murs, dessine, sculpte, et elle a mis en volume ces soldats.
Le premier, c’était Napoléon, le jaune, et ensuite on a travaillé sur toute la série. Les six étaient exposés dans la vitrine, c’était un piège à enfants ! (Sourire.)
Pourquoi je dessine des personnages ? C’est une question que je me suis déjà posée… Il y a quelque chose avec les visages, je prends énormément de plaisir à voir un visage se former, la magie de donner vie à quelque chose en deux trois coup de crayons… vous pouvez m’appeler Le Créateur ! (Sourire.) »