Bouda a de l’énergie à revendre, et le feutre en permanence au bout des doigts, le dessin c’est son quotidien depuis un bon moment. Un parcours atypique, une vie bien chargée, des expériences, des petits boulots, elle a une petite vingtaine, et n’a pas hésité à se raconter devant un thé, assise « au fond pas très loin des toilettes » d’un café parisien. Humour, bons mots et autodérision riment avec sa ponctualité et sa détermination.
« J’ai commencé très tôt à dessiner, dès l’âge de 2 ans, c’est la photo où j’ai des craies dans les mains. En grandissant je me souviens que ma mère m’achetais des ramettes de papier d’imprimante, et je griffonnais tout le temps. C’était souvent des personnages, mon père et ses cravates et ses lunettes rondes… ça doit venir de là les lunettes rondes que je dessine tout le temps ! Il parlait de son chef au bureau, je pensais que c’était un chef indien donc je le dessinais avec une coiffe à plumes ! Et je dessinais des garçons, ça ne fait que cinq ans que je dessine des filles. »
« Bouda, ça vient de quand j’étais en seconde. Il y avait un carnaval et j’ai dit que j’allais me déguiser en Bouddha, on m’a appelée comme ça et c’est resté. C’est facile à retenir en plus. Finalement je me suis déguisée en Miel Pops… je me suis enroulée dans une couette et j’ai mis un grand t-shirt. Mais je crois que personne n’a vraiment compris ! »
« C’est tout à la main, sans retouche, spontané et j’ai pas toujours d’idées précises. Je m’y mets et ça sort tout seul. Au Posca et aussi au pinceau, sur des toiles ou sur le mur. D’ailleurs j’ai répondu à un appel d’offre, j’ai été prise et j’ai réalisé un mur de 6 mètres sur 15 à Berlin, en Allemagne. C’était la première fois que je faisais ça et c’était pas évident de bien gérer les proportions. J’y suis allée un peu freestyle, mais ça l’a fait. »
« C’est pas simple ! Je suis née au Vietnam, j’ai été adopté par mes parents qui sont français et on a habité en Allemagne pendant 10 ans. Ensuite on est venus en France, à Buc, où je suis allée au lycée franco-allemand. J’ai grandi entre le dessin et le foot. Ça me plaisait vachement le foot ! Trois entraînements par semaine et match le samedi ! J’étais bien motivée !
Le Vietnam j’y suis allée en 2015, à l’occasion d’un grand voyage avec ma famille, de Hanoï à Hô Chi Minh. Ce pays de mes origines j’ai voulu le rencontrer. C’était un voyage pas comme les autres, très intense et très beau à la fois. J’ai gardé des traces en photo et en dessin dans mes carnets. Cette culture je la porte en moi, même si elle reste parfois très mystérieuse à mes yeux. J’y retournerai un jour, c’est sûr… »
« Tu le portes en toi, donc il faut le faire. C’est vrai que ça fait peur de se lancer mais j’ai des parents qui soutiennent mes choix, et ça aide. Après le bac, je suis allée à l’ECV, une école d’art graphique à Paris, puis je suis allée à Berlin un an, et je suis revenue en France. Là, j’ai enchaîné les petits boulots… je les ai tous faits !
Ça a été un nouveau cycle, et j’ai quand même dessiné tout le temps. Je postais mon travail sur les réseaux sociaux, puis j’ai eu un plan pour travailler dans une galerie d’art, sur internet. Et un jour, j’ai décidé de ne faire que du dessin. Quitte ou double… Je fais tout pour que ça marche, je suis hyper épanouie et je suis très contente de tout ce qui m’arrive aujourd’hui. »
« L’année dernière j’ai douté, et je n’ai pas dessiné pendant près de deux mois. Ça a été un moment de vide total, ça m’a beaucoup angoissé. Aujourd’hui je me rends compte que ça correspond à la fin de ma période noir et blanc. Puis j’ai rencontré Caroline Derveaux, on a collaboré sur un projet, ça m’a remise dedans, et en plus ça m’a réconciliée avec la couleur que je détestais ! Moi, c’était tout ou rien, et avec du contraste ! »
« Les collaborations sont très importantes pour moi car ça me permet de rencontrer des artistes de milieux différents et d’apprendre à travailler à quatre mains avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. C’est une approche super enrichissante et différente ! Le premier avec qui j’ai collaboré c’est Bebar, on a fait un cadavre exquis, en s’échangeant des scans et des croquis sans se voir physiquement. C’est un procédé super intéressant parce qu’à chaque échange le dessin évolue. Rien n’est calculé et on apprend à s’adapter à l’autre. On s’est vus à la fin pour aller imprimer le résultat, et comme on a bien accroché, on est toujours en contact.
Depuis j’ai continué à collaborer de cette manière avec des artistes français comme Boku, Rister & Shino, Sophia Babari et des Allemands comme Señor Schnu. J’ai aussi créé des collectifs comme « Sand8ch Club » et « Dentelles et Dentiers » avec mes amis de l’école. On a fait des expos dans des lieux culturels de la ville de Paris. »
« Mon expo à la galerie L’Inattendue s’appelle Bouda PART. II. Cette exposition marque un changement et une évolution vers un dessin plus structuré dans sa composition, et plus poussé. J’ai voulu créer quelque chose de nouveau qui respire plus.
Ce sont en grande majorité des toiles, des triptyques, avec du noir, du bleu et du orange. Je fais un pari et j’espère que ça va se vendre. Pour le vernissage je suis fière de pouvoir rassembler mes proches, mes amis et les personnes avec qui j’ai travaillés et évolués cette année. »
« En cours j’ai deux BD, dont une qui est pas mal avancée. Elle devrait s’appeler Marla, c’est l’histoire d’une femme en maillot à pois sur une plage de Barcelone, et qui fait 120 kilos. Je la mets dans des situations de la vie quotidienne, ça devrait être drôle. Il y a aussi un projet sur quelqu’un de ma famille qui était très originale, mais ça n’est pas pour tout suite. Une tante qui avait un drôle de tempérament, elle était stylée ! »
« Sortir de la feuille blanche, tester des nouveaux supports. Et ce qu’il ne faut pas faire ? Des mood boards ! Ça te crispe et ça va t’inciter à recopier plutôt que de se laisser une marge de spontanéité et d’imagination. »
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BOUDA PART. II
L’Inattendue galerie