À quel moment le dessin devient un peu plus sérieux pour toi ?

C’est à la suite d’une opération de l’épaule loupée, et le besoin de revenir à l’un de mes premiers amours créatifs. Avec ce besoin de sortir des formes géométriques, des couleurs. C’était une sorte de thérapie, et ça l’est toujours.

Tu dessines sur des galets, comment c’est arrivé ?

C’est venu par hasard, j’ai pris les pierres de décorations blanches et poreuses de mon jardin, pas du tout adaptées, et j’ai dessiné. Puis sur les bords de jardinières, des objets en bois, du verre, des boites… Et le galet est devenu MON SUPPORT !

Le galet de mer, de rivière ou de montagne est un support naturel et spirituel. C’est une pierre vivante. Ce qui me plaît, c’est son parcours et sa deuxième vie avec moi. Et son rejet s’il n à pas envie que je l’utilise.

Ça n’est pas un mug, ni un verre ni UN CAILLOU. C’est un galet ! Empreinte de la vie que j’essaye de valoriser pour donner des émotions à leurs nouvelles familles.

Partout où je vais, en vacances, à l’étranger ou à l’hôpital, j’emmène et j’offre mes bébés galets. Pour le plus grand plaisir des gens, qu’ils puissent faire vœux de bienveillance, et ça devient un lien entre eux et moi.

Tu as sûrement des anecdotes avec des gens qui flashent sur certains galets…

Souvent les gens s’arrêtent et me disent « Ça me rappelle mon petit chien… », ou alors un souvenir d’enfance.

Un jour, un monsieur amène une carte de chambre d’hôtel à Las Vegas, il y allait souvent avec sa femme qui est décédée il y a quelques années. Il m’a demandé si je pensais pouvoir la reproduire à l’identique. Défi lancé, et une semaine après quand il a vu le galet, il a pleuré… Il a 80 ans et ça le ramenait 20 ans en arrière, c’était beaucoup d’émotion, et j’étais aussi très émue. Maintenant, nous sommes liés lui et moi, comme un papi et sa petite fille.

Pour des apiculteurs, j’ai représenté leur étiquette de pot qui à l’effigie de leurs trois enfants et de leur tempérament : Roxane aime la nourriture, Coraline aime lire et Raphaël est tout le temps speed. Tout est dans la technique du détail pour être au plus près de la personne.

Récemment une dame m’a demandé pour offrir à son mari, une truite fario. SA TRUITE qu’il avait pêchée pour le plaisir. Donc j’étudie le sujet, je fais des recherches pour donner le meilleur et créer de l’émotion. Je me suis faite plaisir pendant huit heures, j’ai fait le moindre petit point. Et quand elle l’a vue qu’elle émotion ! Son mari n’en revenait pas : « Comme sur la photo ! » C’est un souvenir qui restera gravé sur ce galet, mieux qu’une photo, on peut le toucher, y penser…

J’ai travaillé avec des créatrices de bijoux, des écrivains, des couturières, des marques de vêtements, des designers, restaurants, coiffeurs, un parc d’accrobranches… Il y a aussi l’Assemblée Nationale, les émissions Le meilleur pâtissier, Un dîner presque parfait… Une guitare pour la tombe de Johnny Hallyday, un requin pour Teheiura de Koh-Lanta, pour Zak a dit, et quelques célébrités de télé-réalité…

MON RÊVE : c’est d’en faire un pour le présentateur Denis Brogniart car je kiffe Koh-Lanta depuis 22 ans. Lui faire un galet de ce qu’il veut serait une fierté. (Denis, si tu nous lis ;)

Tu peux résumer le chemin d’un galet? 

Une fois à la maison, le galet est lavé, séché, trié par taille et couleur, et rangé dans mon garage. Ce qui me prend deux jours. Si on me demande une fleur, je choisis un galet que je vais mouiller car ce sera sa couleur après le passage du vernis. Sa teinte devra faire ressortir les couleurs du dessin.

Ensuite je dessine : parfois je commence au crayon noir ou alors directement au POSCA noir. Après les couleurs et la finition avec mon adoré POSCA PC-1MR , je le vernis à la bombe et c’est six jours de séchage. Puis direction La Poste, et c’est là que je lui dis au revoir. Parfois je reçois des vidéos ou des photos, ça me fait un souvenir.

En termes d’heures, ça représente quoi tout ce travail ? Et tu dois avoir quelques anecdotes en plus…

En une journée, je réalise un gros galet, soit 10 heures d’affilées. Un thème de 15 galets ça peut être deux jours. Sur un gros galet, j’ai fait Sailor Moon et j’y ai passé 16 heures, défi relevé ! Il y a aussi eu les voitures des copains : Mustang, Corvette, un Citroën Picasso. Un Solex de famille aussi… Pour une représentation théâtrale historique, j’ai fait 450 galets avec la tour de Moricq dessus. Mais je n’aime pas vraiment faire le même motif.

Sinon, j’adore les super-héros : Deadpool, Wolverine et le Joker, qui ont la joie d’avoir tenu dix minutes sur mon stand avant de partir chez des papas heureux. Le plus bizarre que j’ai fait, c’est un petit canard sexy toy, et un œuf à la coque dans un coquetier en or.

Suite au décès de son conjoint, une dame m’a demandé d’imaginer un dessin avec une moto et un message. Je lui ai fait un guidon de Harley-Davidson avec une bannière. Elle m’a dit « Maintenant, il est un peu avec moi, je le vois, je le sens et je peux avancer dans la vie. Grâce à vous Virginie mon deuil sera plus doux. »

Il y a aussi un monsieur qui est venu de Poitiers pour que je lui fasse ses deux voitures adorées, des Rodéo 4 acl, attention pas des Méhari ! Il ne faut pas se tromper ! À la remise du galet, il a fondu en larmes, c’était très touchant.

Tu évoques aussi des problèmes de santé, et le dessin qui est un moment où tu n’y penses plus…

Je suis atteinte de deux maladies auto-immunes, ce qui complique mon quotidien. Le dessin, la peinture, c’est ma survie. J’aime créer pour l’amour d’un regard partagé lorsque j’offre des galets à l’hôpital. À mon cardiologue, aux infirmières, en salle de réveil, groggy, j’ai ma boite de galets pour laisser une trace de bienveillance.

Je reçois cet amour, ce regard, qui comblent mon cœur malgré le fardeau de la maladie. Comme on dit « Les plus durs combats sont donnés aux plus valeureux guerriers. » C’est mon destin… Allure de princesse, mental de guerrière, je mets cette armure quand je sors en Virginie Wonder !