Le galeriste nous reçoit sur son lieu de travail, il a pris une heure pour nous en dire plus sur ses activités :
« La galerie est ouverte depuis le mois de juillet 2020. Ce qui m’a motivé c’est essentiellement la passion, parce que je ne viens pas du tout de ce milieu. J’étais en reconversion professionnelle et je cherchais une idée pour relancer une nouvelle carrière. J’avais pas mal d’amis galeristes, dans des milieux plus traditionnels, et des artistes et street artistes autour de moi. Et ça fait plus de 30 ans que je m’intéresse à l’univers du graffiti et du street art, avec les premiers métros peints, les premiers pochoirs, les palissades du Louvre…
Début 2020, j’ai eu l’opportunité de reprendre cette galerie : les discussions de reprise ont eu lieu au début de l’année, et la décision d’ouvrir après le premier confinement. Les deux premières années n’ont pas forcément été les plus faciles pour se lancer, à cause de la crise sanitaire. En tout cas, il y a eu de nombreux enseignements. »
la galerie ErbK, son Instagram
« On se retrouve pour un accrochage collectif avec les pochoirs d’heartcraft (voir image), les personnages hauts en couleurs d’Arnaud Bertrand, les toiles et graffitis de Claks One et les œuvres pop de Guillaume Lasveguix !
Vous pourrez également retrouver des œuvres de David Le Gouar, DARK, Djoul, Melissa Pierre et Priscilla Vettese tout au long de ce mois de janvier. »
📍64 rue Mazarine
75006 Paris
mardi – vendredi : 13h – 19h / samedi : 13h – 18h
« L’envie était de me démarquer avec des artistes émergents, venant du street art et du graffiti, les deux étant liés, même si les ‘puristes’ tendent à les séparer. L’idée, c’est de profiter du quartier [rue Mazarine à Saint-Germain-des-Prés à Paris – ndr.], qui est très touristique et où viennent de nombreux amateurs d’art.
Quand j’expose un artiste, il faut que ça participe d’une alchimie, que ça corresponde à une certaine ligne artistique, à quelque chose d’original. Ça peut aller des miroirs de TEGMO à des choses très dessinées et très précises, ou des découpes de bois comme avec DARK [cf. ci-dessous ⏬– ndr.] et NOTY AROZ. Il faut qu’artistiquement il y ait quelque chose de novateur, différent, ou en tout cas techniquement sans défaut.
Quand on travaille sur une exposition c’est une rencontre humaine, je passe beaucoup de temps avec les artistes, on discute sur ce que l’on va mettre en place, comment on va le faire. D’une autre manière, je ne vais pas m’interdire des artistes qui peuvent être plus subversifs. Il y a eu quelques expos qui ont été hors-normes, notamment celle d’ECILOP NATIONALE que l’on a fait l’année dernière, où on était dans quelque chose de complètement différent qui ne se fait pas trop en galerie habituellement, avec de nombreuses installations. C’est ce qui me permet de me différencier de tous mes amis galeristes du quartier. »
« J’ai fait une petite douzaine d’expositions en deux ans. La première était autour de la mosaïque avec des artistes mosaïstes qui s’expriment dans des genres très différents, que ce soit MifaMosa avec les plaques de rue, STORK avec ses cigognes, PHILIPPE VIGNAL avec un travail très détaillé autour de ses Megabugs, Mr Djoul et ses aliens. Il y a eu aussi des solos shows, avec NOTY AROZ, 13 BIS, DAVID LE GOUAR, et plus récemment, DARK avec son alphabet pop Transform Me.
J’ai ouvert pendant le Covid, il y a eu pas mal d’à-coups, d’ouvertures, de fermetures, et moi qui avait beaucoup d’énergie et beaucoup d’ambition, ça a un petit peu freiné certaine ardeur. Cette année, l’idée sera de tester un autre modèle, avec plus d’accrochages collectifs pour faire tourner les œuvres, et présenter de nouveaux artistes – toujours en intercalant des solos shows ou des expos avec un projet derrière, comme celle que l’on vient de finir avec NININ, Contracolonia [cf. le tableau ci-dessous ⏬ – ndr.], qui faisait suite à un voyage de six mois de l’artiste entre le Mexique et l’Argentine, sur le thème de la colonisation, la construction identitaire de l’Amérique du Sud et la revisite des grands classiques. Ce sont des projets qui demandent beaucoup d’investissements, en temps et en ressources. Et je me laisse aussi des périodes pour m’occuper des artistes, leur donner de la visibilité et d’en rencontrer de nouveaux. »
« En collaboration avec certains artistes, la galerie édite des livres ou des objets. Les galeries sont amenées à se transformer, à évoluer, notamment avec l’explosion des réseaux sociaux et du virtuel – NFT, réalité augmentéé, etc. –, et des artistes sont de plus en plus indépendants, certains s’affranchissant totalement des galeries avec succès. Donc, il faut savoir se réinventer pour créer de la valeur et accompagner les artistes au mieux. Ça peut prendre différente forme comme produire un livre, s’occuper de la logistique, financer la production d’œuvres, un peu à la manière d’un label de musique.
Et il y a aussi ma philosophie autour de l’art qui est de le rendre accessible. Donc d’avoir des objets moins chers qu’une œuvre, pour que les gens qui entrent dans les galeries, et qui n’en ont pas l’habitude, puissent s’offrir une monographie, un coffret avec un t-shirt, un objet customisé, un puzzle… Bref, faire des choses qui seront complémentaires d’une œuvre, qui ne seront pas ‘’labelisées’’ œuvres d’art en tant que telles, mais des traces d’un artiste sur un objet avec des prix abordables.
Typiquement, les premiers puzzles que j’ai sortis avec Nicolas Moreau, qui est un artiste pop, ça faisait du sens parce que c’est dans sa culture un peu geek. »
« Quand j’apprécie un artiste, j’essaie d’aller vers lui, on discute et on voit si un projet peut se faire. Je reçois aussi des books et certains passent directement à la galerie pour me présenter leur portfolio. Je regarde toujours ce que l’on me présente même si la plupart du temps, ça ne correspond pas vraiment à la ligne artistique de la galerie. C’est aussi un des avantages des réseaux sociaux, les gens peuvent se renseigner très facilement, regarder les posts et les stories, avoir un aperçu, pour ensuite venir proposer un projet.
Ça peut se mettre en place très simplement. C’est ce qui s’est passé avec DARK pour sa première expo. On se connaissait un peu, j’avais travaillé avec NOTY AROZ [cf. ci-dessus ⏫ – ndr.] qui sont dans le même atelier. On a discuté, il m’a présenté son projet et ça a donné lieu à son premier solo show en juin 2021. On s’est répartis les rôles et l’idée était d’être plus fort à deux, de faire mieux que si on avait fait les choses séparément. »
« C’est un modèle traditionnel de partage des ventes avec l’artiste. Une de mes particularités, c’est qu’il m’arrive de cofinancer les expositions, car il y a un coût en amont, ce qui peut empêcher certains artistes de sauter le pas. Acheter des toiles, l’encadrement ou participer à des frais de production divers, ce sont des choses auxquelles j’essaie de participer dans une certaine mesure car je n’ai malheureusement pas de moyens illimités, d’autant plus avec les différentes crises que nous traversons depuis deux ans. J’adorerais être philanthrope et financer 25 projets artistiques par an ! »
« Instagram a fait connaître la galerie et fait venir du monde. J’ai tendance à mettre en story, les live paintings, les séances de dédicaces, les vernissages, et d’utiliser les posts pour montrer les œuvres des artistes, annoncer les expos, etc. Dans les prochaines années, il va falloir réfléchir sérieusement pour voir comment créer la complémentarité entre un lieu physique et des lieux plus virtuels, car beaucoup d’artistes font aujourd’hui des choses 100% digitales, et ça marche très bien.
Les choses sont en train de changer avec le passage d’un ancien monde à un monde nouveau, plus digital. C’est forcément complémentaire, il ne peut pas venir complètement en remplacement, et il va forcément s’appuyer sur ce qui existe dans le physique. La question c’est comment gérer la transition et comment bien faire cohabiter les deux. »
« Si on reste dans le street art et le graffiti, j’aime beaucoup des artistes comme VHILS et ADDFUEL, qui repoussent les limites de ce qu’ils font à chaque fois en termes de façades et de murs. Tout ce qui est cette espèce de gigantisme autour des fresques, je trouve ça assez dingue aussi. Sorti de ça, il y a des artistes qui restent au top comme Invader ou Banksy qui trouvent toujours de nouveaux concepts. Invader et l’invasion en Bolivie à 4000 mètres d’altitude pour la 4000e mosaïque qu’il a posée, ça participe d’une vraie réflexion et d’une maturité du travail d’artiste, tout en restant fidèle à ses origines.
Et je serai toujours ébahi devant un Van Gogh, un Monet ou un Rothko. Ça sort du cadre de la galerie et on entre dans les institutions. Et quand le musée Monet de Giverny fait une exposition-dialogue entre Monet et Rohtko, avec des explications et des liens, c’est ce que j’aime dans l’art d’aujourd’hui : des fusions entre les artistes et les genres. »
« La devanture au-dessus de la galerie peut aussi être un espace d’exposition en phase avec ce qu’il y a à l’intérieur. L’artiste, qui est sur le point d’exposer dans la galerie, se l’approprie, les gens qui passent le regardent faire, c’est un petit plus qui permet d’avoir un aperçu de son travail. »